 
        La diversité du continent en matière de systèmes énergétiques, de capacités industrielles et de préparation réglementaire doit devenir une source de force collective.
Des experts en véhicules à énergies nouvelles, ainsi que des leaders de l’industrie, des universitaires et des spécialistes, se réunissent à Gqeberha pour partager des connaissances précieuses sur les innovations et initiatives du secteur — notamment celles axées sur la décarbonation du transport. Le ministère de la Science, de la Technologie et de l’Innovation (DSTI) s’est associé au programme uYilo e-Mobility de l’Université Nelson Mandela (NMU) pour organiser le Sommet annuel uYilo sur la mobilité électrique, qui se tient du 28 au 30 octobre 2025.
Selon Mbangiseni Mabudafhasi, directeur adjoint du département Énergie au DSTI, le sommet reconnaît l’urgence des engagements mondiaux visant à réduire les émissions de dioxyde de carbone dans le secteur des transports, un effort qui stimule la demande croissante pour les véhicules électriques (VE). Il a ajouté que, bien que les véhicules à moteur à combustion interne (ICE) demeurent dominants, notamment dans les marchés en développement, leur part de marché devrait chuter fortement dans les pays à revenu élevé après 2035.
L’industrie automobile sud-africaine joue un rôle économique crucial, représentant environ 5,2 % du PIB national. Des études montrent que le secteur soutient environ 115 000 emplois hautement qualifiés dans la fabrication et près de 500 000 emplois formels tout au long de la chaîne d’approvisionnement automobile.
M. Mabudafhasi a souligné que les discussions sur l’avenir des moteurs thermiques sont essentielles, l’industrie se trouvant à un tournant critique. « D’ici 2035, il est prévu que 63 % des principaux marchés d’exportation, dont l’Union européenne et le Royaume-Uni, mettront en place des interdictions de vente de nouveaux véhicules à moteur thermique », a-t-il déclaré.
Pour réussir cette transition, l’Afrique du Sud est encouragée à adopter une stratégie pragmatique à double voie : prolonger la durée de vie et réduire les émissions des véhicules thermiques tout en stimulant la croissance des plateformes électriques et hybrides les plus prometteuses. Cette approche reconnaît que, même si les véhicules thermiques dominent encore — notamment dans les marchés émergents — leur part de marché devrait décliner fortement après 2035 dans les économies développées.
De son côté, Gareth Burley, PDG de Microcare Solar Energy, a déclaré que la transition vers la mobilité électrique en Afrique doit être conçue en fonction des réalités locales, plutôt que copiée à l’identique de l’étranger. « Les innovations africaines doivent résoudre les problèmes africains », a-t-il affirmé, soulignant que le succès du continent dépend de sa capacité à développer des systèmes adaptés à ses contextes économiques, infrastructurels et sociaux. Selon lui, la mobilité électrique en Afrique ne peut pas simplement reproduire les modèles européens ou asiatiques, mais doit répondre à des défis tels que l’accès à l’énergie, l’abordabilité et le caractère informel d’une grande partie du secteur des transports.
« Si nous nous contentons d’importer nos chargeurs et nos logiciels, nous continuerons à externaliser les emplois, la propriété intellectuelle et les services après-vente », a averti M. Burley. « Localiser les technologies de soutien, telles que les chargeurs, l’électronique de puissance et les composants connexes, est la voie la plus rapide pour intégrer les petites et moyennes entreprises dans notre économie. »
Microcare Solar Energy a développé le DC-DC Solar EV Charger, une solution solaire intégrée et flexible permettant une recharge directe depuis les panneaux photovoltaïques, sans conversion en courant alternatif ni dépendance au réseau électrique — une technologie idéale pour les zones reculées.
M. Burley a ajouté que le progrès durable nécessite une étroite coordination entre les gouvernements, les universités et le secteur privé. « La recherche doit éclairer la réglementation, la réglementation doit permettre l’innovation, et l’innovation doit s’enraciner dans le bénéfice communautaire », a-t-il expliqué. L’objectif, selon lui, est de bâtir un écosystème auto-renforcé fondé sur les compétences, l’investissement et la capacité de production locale, plutôt que de maintenir une dépendance vis-à-vis des solutions importées.
Zakariae Ouachakradi, responsable du développement commercial du Green Energy Park au Maroc, a abondé dans le même sens en décrivant l’approche marocaine pour la mise en place d’un réseau de bornes de recharge. Il a insisté sur l’équilibre nécessaire entre rigueur technique et coordination institutionnelle pour assurer la durabilité d’une telle initiative. Selon lui, la stratégie du Maroc repose sur l’implication proactive du gouvernement dans la définition des normes, le financement de la recherche et l’alignement de la politique industrielle sur les objectifs environnementaux.
Le Green Energy Park — un partenariat entre l’Institut de Recherche en Énergie Solaire et Énergies Renouvelables (IRESEN) et le groupe OCP — mobilise des ingénieurs et chercheurs qui conçoivent et testent des stations de recharge adaptées aux climats africains et aux conditions des réseaux électriques locaux. Ce modèle de recherche et développement localisé garantit que les technologies soient à la fois viables et résilientes face aux contraintes régionales. Toutefois, M. Ouachakradi a également souligné les défis persistants, notamment l’absence de normes harmonisées à l’échelle continentale. Sans cadres communs pour les protocoles de recharge, les systèmes de batteries et la conformité en matière de sécurité, a-t-il averti, les pays africains risquent de construire des systèmes fragmentés entravant l’intégration régionale.
L’avenir de la mobilité électrique en Afrique repose donc sur l’alignement et la coopération, et non sur des démarches isolées. La diversité du continent — en matière de systèmes énergétiques, de capacités industrielles et de maturité réglementaire — doit être transformée en atout collectif. Deux facteurs décisifs ont été identifiés : le transfert de savoir-faire technique et le développement du capital humain qualifié. Sans une main-d’œuvre capable de construire, d’entretenir et d’innover dans ces systèmes, même les technologies les plus avancées resteront sous-exploitées.
Les intervenants ont souligné un changement de paradigme : l’Afrique ne doit plus être perçue comme un simple récepteur de technologies, mais comme un créateur de solutions locales. Un nombre croissant d’instituts de recherche et de startups africains contribuent déjà à la connaissance mondiale en matière de mobilité propre. Le consensus est clair : cette dynamique doit être soutenue par des politiques publiques favorables, une coopération régionale renforcée et des investissements constants dans la recherche appliquée.
La transition africaine vers la mobilité électrique est une priorité continentale active, qui exigera coordination, vision et engagement durable. La route à suivre mène vers une Afrique plus propre, plus connectée, plus autonome et plus innovante, portée par sa propre ingéniosité.

 
         
        