
Par Adrian Strydom, Directeur général de la South African Oil and Gas Alliance (www.SAOGA.org.za)
La transition vers une énergie plus propre doit être structurée de manière à permettre à l’Afrique de croître durablement, sans compromettre sa capacité à fournir une électricité fiable, à créer des emplois et à renforcer ses industries.
L’Afrique est à un tournant de son parcours énergétique. Alors que les villes s’étendent et que les industries se développent, la demande d’électricité augmente rapidement. D’ici 2040, l’Afrique aura besoin de près de 1 200 gigawatts de puissance, alors que 600 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité, freinant le développement, les soins de santé et l’éducation.
Cela pose un défi majeur : comment élargir l’accès à l’énergie sans s’enfermer dans des combustibles à fortes émissions ? La solution doit concilier accessibilité, durabilité et fiabilité. Si l’énergie solaire et éolienne est cruciale, la plupart des pays manquent des infrastructures nécessaires pour s’y fier uniquement. Les réseaux électriques doivent rester stables, les industries ont besoin d’une énergie constante et les échanges transfrontaliers nécessitent un approvisionnement régulier. Le gaz naturel joue ici un rôle essentiel, en tant que pont vers une énergie plus propre tout en répondant aux besoins urgents en électricité.
L’Afrique détient environ 7 % des réserves prouvées de gaz naturel dans le monde, et sa production a augmenté de plus de 70 % depuis 2000, avec des prévisions atteignant 520 milliards de mètres cubes d’ici 2050.
Plusieurs pays africains bénéficient déjà de l’exploitation de leurs réserves gazières :
- Le Nigeria, premier producteur africain, dispose de plus de 200 trillions de pieds cubes (tcf) de réserves, soutenant des millions d’emplois dans l’extraction, le traitement et le transport.
- Le projet Greater Tortue Ahmeyim (GTA) au Sénégal et en Mauritanie attire des milliards d’investissements, renforçant la sécurité énergétique.
- L’Afrique du Sud, confrontée à un « précipice gazier » en raison de la baisse de ses importations, explore ses propres réserves pour protéger sa croissance industrielle.
- Le terminal flottant Coral Sul LNG au Mozambique a déjà démarré sa production, avec des recettes attendues d’environ 70 millions de dollars par an entre 2025 et 2027.
- Les projets Mozambique LNG et Rovuma LNG, qui détiennent plus de 100 tcf de gaz récupérable, sont encore en phase de développement, mais présentent un potentiel immense.
Bien que les pays africains ne produisent qu’une faible fraction des émissions mondiales, ils subissent les pires effets du changement climatique, tels que sécheresses, inondations et insécurité alimentaire. Leur demander d’abandonner les énergies fossiles sans alternatives viables risque de freiner leur développement économique et d’aggraver les inégalités. Une transition énergétique équitable doit tenir compte des conditions économiques et des besoins spécifiques des pays, différents de ceux des grands pollueurs.
Actuellement, nombre de pays africains ne disposent pas des infrastructures suffisantes pour compter uniquement sur les renouvelables. Les réseaux sont faibles, sous-financés et souvent peu fiables. Le principal obstacle à l’énergie solaire et éolienne est leur dépendance aux conditions météorologiques. Si le soleil ne brille pas ou si le vent ne souffle pas, la production chute. Les batteries permettent de stocker l’énergie excédentaire, mais à grande échelle, elles sont coûteuses et peu accessibles.
C’est là que le gaz naturel joue un rôle crucial. Le gaz naturel et les énergies renouvelables sont complémentaires et forment un mix énergétique équilibré et résilient. Le gaz comble les lacunes lorsque la production renouvelable est faible, assurant une fourniture stable. Les centrales au gaz peuvent aussi réagir rapidement à la demande, bien plus efficacement que celles au charbon, ce qui en fait des partenaires idéaux des énergies intermittentes.
Il est également important de noter que les infrastructures construites aujourd’hui pour le gaz – comme les pipelines et les centrales – pourront être reconverties pour transporter des carburants plus propres, comme l’hydrogène vert. Cette synergie permet aux pays africains de développer les renouvelables en toute confiance, sachant que le gaz naturel assure la fiabilité et accompagne la transition vers un avenir à faible émission de carbone.
Le gaz naturel est un pilier de la transition énergétique dans le monde. En Afrique, son rôle est encore plus crucial. Le continent dispose de vastes réserves, mais leur potentiel reste en grande partie inexploité en raison d’un manque d’investissements dans les infrastructures et d’une incertitude réglementaire. Exploité de manière stratégique, le gaz naturel peut stimuler la croissance industrielle, renforcer la sécurité énergétique et préparer le terrain pour des investissements durables dans les énergies renouvelables.
Mais cela nécessite une action coordonnée : le développement de l’infrastructure gazière demande des investissements à long terme dans les pipelines, les usines de traitement et les terminaux d’exportation, dont la construction peut prendre plusieurs années. Les investisseurs ont besoin de clarté politique et de prévisibilité des retours, ce qui signifie que les gouvernements doivent offrir des cadres fiscaux stables, des accords de licences transparents et des politiques garantissant que les revenus restent dans les économies locales.
L’avenir énergétique de l’Afrique doit se construire au service de ses populations. L’électricité doit rester accessible aux ménages, aux entreprises et aux industries, tout en favorisant le développement de technologies innovantes. Il ne s’agit pas de choisir entre gaz et renouvelables, mais d’utiliser les bons outils au bon moment. Le gaz naturel est une pierre angulaire d’une transition ordonnée et équitable.
Avec une planification rigoureuse, le gaz naturel peut soutenir l’économie africaine dès aujourd’hui, tout en jetant les bases d’un avenir plus propre et plus résilient.